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Lenverre
3 avril 2009

[Notamment]..........

monde
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Tandis que je vous écris, des feuilles mortes à l'automne dernier viennent encore danser sur la terrasse et les deux jeunes chattes aux mêmes teintes qu'elles, du côté chaud et silencieux de la vitre où elles se cognent, rêvent avec fièvre de les attraper afin de savoir enfin le bruit qu'elles font sous la griffe. Le lierre frémit au nord d'un arbre dont j'ai oublié le nom, penché sur la tombe du chat noir que j'aimais, effleuré sur sa droite par les derniers rayons du soleil qui va disparaître derrière les pins, au-dessus du talus. Sur les ombres qui demeurent encore au sol, des phasmes de bois mort paressent entre deux  rafales. Je sais que plus loin, dans tout ce que je ne vois pas, les forsythias sont presque complètement fleuris malgré la rudesse de l'hiver dont subsiste la fraîcheur, comme persiste parfois le parfum d'une femme dans une pièce qu'elle a quittée. Je sais aussi que les magnolias préméditent leur splendeur au-dessus des futures pivoines.

J'imagine que des femmes et des hommes marchent dans des rues qui me sont familières, posant leurs pas où je n'ai pas laissé d'empreinte ; des enfants sortent de l'école l'espoir au corps léger, d'autres ont peur à l'hôpital dans des pays que je ne visiterai jamais ou dans le mien, des églises s'effondrent, des hypermarchés s'érigent dans les champs, quelque part un jeune homme meurt dans la boue, du sang coule de sa bouche pleine, un peu plus loin un autre roule sa langue pour la première fois à une langue amie qui chante en même temps que la sienne, des costumes impeccables défilent dans des voitures brillantes comme des jouets et, dans ces costumes, dans ces voitures, de tout petits garçons parlent de la fin du monde ; une femme courbée sur son violoncelle fait pleurer le bois et les oiseaux, une plus vieille replace le foulard sur ses cheveux puis s'incline à nouveau au-dessus des coquelicots,  un nouveau-né s'éteint contre un sein vide, un vélo grince sur un chemin bordé de pierres sèches, un camion en double un autre sur l'autoroute surchargée, une voiture lancée à vive allure doit freiner brutalement ; une fille coupe le fil de son ourlet entre ses dents très blanches et laisse sur le bas de sa nouvelle jupe une goutte de salive, un mari inquiet pousse la porte de la maternité avec un couffin dans les bras, une secrétaire réprime un bâillement pour répondre au téléphone et jette un coup d'œil à la pendule,  un touriste roule le long des vagues dans un bus climatisé en scrutant l'écran de son appareil photo où pose une danseuse du ventre vêtue de rouge, une épouse sort de la chambre vide de son mari emportant  un sac poubelle plein de ses affaires, un oiseau pique sur l'eau verdâtre du bassin olympique fermé jusqu'en juin, la mer monte, un homme jouit, une femme hurle, le chirurgien apprend à la mère qu'elle doit préparer ses enfants à vivre sans elle, une fillette, qui a au coin de la bouche une minuscule trace de chocolat sur laquelle elle passe la langue, enfile ses chaussons de danse ; un professeur de philosophie perd le fil de son discours, des adolescents ricanent, un amant regarde sans sourire sa maîtresse endormie, est-ce elle qui rêve ?, une bouche mâche une galette de terre, un chien se fait écraser, un réalisateur crie : "ça tourne !", un vieillard appelle pour la bassine, quelqu'un que j'ai peut-être aimé et perdu aide son fils à faire ses devoirs, un ouvrier appuie sur la touche "7" de l'ascenseur, une femme dégrafe son soutien-gorge et se met à fredonner, un cœur de soixante ans bat sous une poitrine de trente, au bord d'une piscine turquoise, quelqu'un aboie : "grosse putain !", une mésange tombe du nid, des poings frappent, un nez explose, un chant apaise, des mains forcent, une voix murmure : "encore", une gamine rousse sort en courant de la boulangerie avec le pain du soir pour la famille, un président chie dans de la faïence parfumée, quelqu'un crache par la fenêtre, un rire jaillit, une balle transperce un crâne, un train passe ; deux regards se croisent au passage à niveau, les barrières se relèvent, la conductrice redémarre, l'homme dans le compartiment reprend son livre. Quelqu'un écrit.

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Commentaires
L
Short cuts. Très beau vraiment, et si plein de vie, de vies.
M
Merci pour ce voyage, ce grand travelling autour des petites choses de cette humanité, petites choses qui sont si importantes. J'aime beaucoup la construction "en boucle".<br /> <br /> j'aime aussi beaucoup le commentaire du visiteur précédent.<br /> <br /> Bises
J
Tu as laissé un commentaire, plus long que l'article sur mon blog : bravo!<br /> tu as ouvert ta porte pour qu'on en discute...c'était bien.<br /> Sara, Donato m'ont accueillis tel que je suis...parler, parler, éssayer d'écouter.<br /> Mais quand on parle c'est que l'on se sent bien. Je suis parti,j'ai lu ton texte.<br /> <br /> Je vais t'offrir une prière,je sais ce n'est pas ton truc, et Donato aussi, mais bon j'ai envie...pour vous :<br /> <br /> " un jour, dans le fond de l'Espagne,<br /> le grand Rabin voulut savoir qui, durant l'année écoulée, avait fait monter vers le ciel, la prière la plus pure, la plus belle.<br /> Il interroge son conseiller qui fit des recherches.<br /> Après avoir longuement prié et s'être informé,<br /> il apprit que c'était un jeune colporteur,<br /> vendeur de porte à porte,<br /> qui habitait à l'autre bout de l'Espagne.<br /> C'est lui qui avait fait monter vers le ciel,<br /> la prière la plus pure,la plus belle.<br /> Le grand rabin fit venir le colporteur.<br /> Tout étonné qu'on vint le chercher,<br /> lui qui pensait ne savait pas prier.<br /> "quelle est donc cette prière que tu as fais monter vers Dieu?",<br /> lui demanda le grand Rabin.<br /> C'est vrai Rabbi, un soir, je m'en souviens,<br /> j'ai prié intensément.Maman était gravement malade.<br /> Je me suis purifié le corps, en prenant un bain, comme la loi le prescrit.<br /> Puis par cette claire nuit d'été, sous le regard de la lune,<br /> je suis monté sur le toit de la maison et j'ai dis au Seigneur :<br /> " Seigneur je ne sais pas prier,<br /> mais je sais lire et écrire. Je connais mon alphabet.<br /> Je vais te le réciter dans mon coeur.<br /> Tu prendras les lettres et tu en feras toi même la prière que tu aimes."<br /> <br /> Je vous embrasses tous les trois avec tous mes défauts et mes quelques qualités,<br /> Jean-Marc
N
C'est beau Annie<br /> Tellement JUSTE !<br /> <br /> A chaque fois c'est la même chose: je me lance dans la lecture de ton texte, le coeur battant...de plus en plus fort... !<br /> J'adore toutes les émotions que tu réveilles et ce serait certainement très agréable d'être près de toi à écouter tout ce que tu vis, sens et espère...
Lenverre
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