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Lenverre
10 janvier 2015

[Un trou dans ma poche]..........

 

 

trsor2

A force de ne pas la recoudre cette poche trouée, il fallait bien que ça arrive, ça me pendait au nez. Plusieurs fois déjà je nous avais ramassés tout cabossés, sur le chemin, j’avais soufflé sur la poussière, remis du neuf , recollé, nous avais ressaisis fort au chaud de ma main, serrés.

Et puis on relâche l’étreinte... parfois, on pense furtivement à autre chose, on dit bonjour à gauche à droite, on ouvre les mains pour saisir un bidule ou un machin, une autre main, un mouchoir, un bâton de rouge à lèvres, on oublie ; ou alors, tout bêtement, épuisé, on s’endort et les doigts se défont de la pierre. Le trésor brinquebale dans le tissu, trouve la sortie et s’enfuit. On ne l’entend pas, cette fois, on n’entend pas le bruit qu’il fait en atterrissant sur le sol. Peut-être parce qu’il s’est envolé pour cette fugue-là ou peut-être parce qu’il a chuté sur de l’herbe, sur un tapis de gymnastique, sur un bout de ouate qui passait, sur un chat qui dormait au soleil… Toujours est-il qu’il ne fait ni gling ni glang, il est par terre ou ailleurs, il n’est plus dans notre poche et on ne le sait pas, on continue sa route ou son rêve, si on dort. Quand on veut remettre la main sur l’agate, sur la bille précieuse, on a le cœur qui se fend en deux. Ou en mille. On ne peut pas compter. On sait qu’on l’a perdu, c’est tout. On a du mal à respirer alors on ne respire plus. On se vide d’air et du reste, on résonne, on déraisonne, on tombe aussi, comme le trésor, tout en dedans de nous, au plus profond et même plus loin. On pourrait se perdre à tomber ainsi. Il faut faire attention mais on ne fait attention à rien. On demande à ceux qui passent «vous ne l’avez pas vu ?», on appelle, on crie, on se tait, on pose des affichettes sur les poteaux le long des routes, chez la boulangère… «recherche le trésor du fond de ma poche trouée». On gribouille son portrait en dessous de l’annonce mais on n’a jamais trop su à quoi ça ressemblait alors on a du mal, ce n’est pas très réussi. De toute façon, personne ne le reconnaîtra s’il le croise, même s’il le ramasse, même en le regardant de tout près ; il n’a pas de nom, il ne pourra pas le lui demander, le trésor finira recouvert de terre ou sur une cheminée au milieu d’autres cailloux grappillés au hasard de promenades. Loin de nous. Ou tout près mais sans qu’on le sache. Loin de nous. On se maudit, on se couperait bien la main qui a lâché la pépite, on lui fait la gueule, on la laisse pendre, on ne lui permet même plus de venir essuyer les larmes, les larmes on les avale, ça ressemble à la mer, on boit la tasse et on n’a plus jamais soif, la bouche est brûlée.

A force de ne pas la recoudre cette poche trouée, il fallait bien que ça arrive. Je me demandais… Tu ne regarderais pas dans ta main si… non ? Non, bien sûr. Tu es si occupé, tes mains tu ne peux pas les garder fermées… Mais toi qui partageais le butin, tu sais à quoi ça ressemblait. Si. Ferme les yeux… tu vois, tu sais. Tu ne voudrais pas essayer de nous retrouver ?

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Commentaires
P
Quel bordel dans ta poche, je n'ose imaginer ta musette! Dans ma poche au bord de le mer, il n'y a qu'un couteau, je vérifie sans arrêt que je ne l'ai pas perdu...
T
Plein de trésors dans mes poches...des bouts de fleurs de pissenlit desséchées avec le "tiens maman c'est pour toi", un coquillage troué pour faire un château, du sable, pour que ça ne s'envole pas...le trésor, il est dans ta tête, poche trouée ou pas.
C
Un trésor n'est jamais si beau que lorsqu'il est perdu. Si décevant retrouvé. Parfois.
L
Au fond de mes poches il y a des cailloux bleus<br /> Des crocodiles en plastique<br /> graine coquille coquillage<br /> Mes yeux ne savent plus à quoi ils ressemblent<br /> Lisses rugueux froids ou piquants<br /> ils ne se montrent qu'à mes doigts<br /> Quand je les plonge au fond de mes poches.<br /> <br /> Si je ramasse un jour ton trésor perdu, je le reconnaitrai. Sur. Et je le garderai au chaud, au fond de ma poche.
M
Oh les petits trous au fond des poches. On ne s'en méfie pas c'est vrai.<br /> Et c'est par là que le temps s'écoule.<br /> Il est beau ce texte. Je reviendrai le lire. C'est le genre de texte où l'on trouve un nouveau trésor chaque fois qu'on le lit.
Lenverre
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Lenverre
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